Actualité - SEPULTURES DES COMBATTANTS

SEPULTURES des COMBATTANTS

 

Jean-Jacques CAFFIERI

 

 

Historique

Depuis l’origine de l’Humanité, les combattants tués lors des conflits sont inhumés dans des fosses communes sur les lieux des combats. Ainsi, dans tous les pays de l’Europe, on note la présence des ossuaires des guerres napoléoniennes.

Les sépultures de combattants peuvent parfois provenir d’initiatives particulières

Dans la Bible

A tous nos adhérents du Souvenir Français, artisans et créateurs de mémoire, je dédie ce récit biblique :

 

TOBIE, saint homme, juif de la tribu de Nephtali, est emmené en captivité avec les autres sujets du royaume d’Israël, par Salmanazar, roi d’Assyrie, 700 et quelques années avant Jésus - Christ.

Il ensevelissait soigneusement ceux qui étaient morts ou qui avaient été tués….

Le roi Sennachérib, étant revenu de Judée, fuyant la plaie dont Dieu l’avait frappé, faisait tuer dans sa colère beaucoup de fils d’Israël et Tobie ensevelissait leurs corps. Mais lorsque le roi l’appris, il ordonna de le tuer. 50 jours après, le roi est assassiné par ses fils et Tobie rentre chez lui

 

Quelque temps après, un grand repas fut préparé dans ma maison un jour de fête du seigneur. J’ai demandé à mon fils de sortir pour inviter quelques personnes de notre tribu. En rentrant, il m’annonça qu’un des fils d’Israël gisait,, égorgé dans la rue. Tobie abandonne aussitôt sa table et laissant là le repas, il sortit et emporta secrètement le cadavre dans sa maison. Après avoir caché le corps, il se mit à manger et lorsque le soleil fut couché, il alla l’ensevelir.

 

Au cours de la Guerre 1870 – 1871, dans 83 villes et communes de la Sarthe, des

«  TOBIE » ont enseveli les 5 914 tués pendant les combats.

Au temps de la Guerre des Gaules :

«  Chez les Romains, l’incinération n’est pas une institution bien ancienne : jadis on enterrait les morts. Mais quand on apprit que les guerriers ensevelis dans les terres lointaines étaient déterrés, on adopta la nouvelle institution » (l’incinération) Pline l’ancien, Histoire naturelle, Livre VII, (55).

(l’incinération) Pline l’ancien, Histoire naturelle, Livre VII, (55).

 

 

 

Guerre Franco-Prussienne de 1870-1871

Ce n’est qu’à partir de la Guerre Franco-Prussienne de 1870-1871 que certaines sépultures sont individualisées, conséquence d’une guerre de mouvement à pied.

Pendant cette guerre de quelques jours, 5914 soldats Français et Prussiens sont tués et reposent dans 89 communes de notre terre sarthoise..

Vers le 28 janvier, un Armistice est signé, Le Traité de paix de Francfort est ratifié le 10 mai 1871. Dans son article 16, il stipule que « les deux gouvernements français et allemand s’engagent réciproquement à faire respecter et entretenir les tombeaux des soldats ensevelis dans leurs territoires respectifs ».

Cet Article 16 représente sans doute le premier texte signé en vue d’une action internationale entre deux pays européens, dans leur propre territoire. Son application nécessite une Loi spécifique régissant les sépultures des belligérants. C’est la Loi du 4 avril 1873.

 

 

Dans moins d’une centaine de cimetières sarthois, elle est rappelée par un écusson « Loi du 4 avril 1873 » fixé sur les « clôtures grilles » des sépultures de ces combattants.

Elle impose la cession à l’Etat des terrains dépendant des cimetières communaux qui servent à l’inhumation des soldats français et allemands morts pendant la dernière guerre.

L’application de ce texte est codifiée par une circulaire du ministre de l’Intérieur, adressée aux préfets le 6 mai 1873. C’est un plan d’action avec de nombreuses annexes concernant les recensements des tombes, des surfaces à exproprier et des coûts. Un chapitre spécial est consacré aux tombes situées dans des propriétés privées où les exhumations ne peuvent s’effectuer qu’après un délai de cinq ans suivant l’article 6 du décret du 23 prairial de l’an XII.

Dans l’ensemble, ces textes sont respectés et les tombes existent toujours dans l’ensemble des cimetières sarthois.

L’entretien des tombes allemandes ( peinture) est souvent effectué par l’Association populaire allemande pour l’entretien des tombes de guerre, la VDK dont le siège français est à Metz. Les françaises sont rénovées par les services municipaux des villes et le Souvenir Français.

 

14-18, Morts pour la France

Au début de la guerre, les sépultures individuelles sont réservées aux seuls chefs de guerre, les simples soldats sont inhumés dans de simples monuments-ossuaires, puis sous la pression des poilus, le respect du aux Morts évolue. Les poilus deviennent les « TOBIE » du front après chaque attaque.

Loi du 2 juillet 1915

Dans son article 1er elle stipule que « L’acte de décès d’un militaire des armées de terre ou de mer, tué à l’ennemi tué à l’ennemi, mort de blessures ou de maladies contractées en service commandé ou encore des suites de d’accidents survenus en service commandé ou encore des suites d’accidents survenus en service ou à l’occasion du service en temps de guerre. Devra, sur avis favorable de l’autorité militaire, contenir la mention : «  Mort pour la France ».

Art. 3 : «  les dispositions ci-dessus s’appliqueront à tout otage, à tout prisonnier de guerre, militaire ou civil mort en pays ennemi ou neutre, des suites de ses blessures, de mauvais traitements, ..  ou fusillé par l’ennemi. »

 

Loi du 29 décembre 1915

Sépultures à établir pour les soldats décèdés pendant la durée de la guerre.

Dans son article 1er, elle stipule que «  Lorsque, en vue de l’établissement des sépultures perpétuelles qui devront être assurées aux militaires des armées françaises et alliées, décédées pendant la durée de la guerre des suites de blessures ou de maladies contractées aux

 

 

 

 

armées, il sera nécessaire d’acquérir des terrains hors des cimetières existants, l’acquisition sera faite au nom de l’Etat par le ministre de la guerre ».

Article 6

Les dépenses…. D’entretien des terrains nécessaires aux sépultures visées par la présente Loi sont à charge de l’Etat. Toutefois, l’entretien des sépultures pourra être confié, sur leur demande, soit aux municipalités soit à des associations régulièrement constituées, suivant convention à intervenir entre elles et le ministre de la guerre.

 

Loi du 31 mars 1919

Pensions des blessés et des veuves

A titre chronologique, ne concerne pas les sépultures

 

 

 

 

 

Loi du 25 juin 1919

Militaires disparus pendant la durée des hostilités

Loi relative aux militaires disparus pendant la durée des hostilités.

Réduction à 5 ans, le délai de 30 ans fixé par l’article 129 du Code civil pour l’envoi en possession définitive.

 

Loi du 1er octobre 1919

Mémorial des Combattants

Dans chaque commune, sur un registre prenant le nom de mémorial de la grande guerre, sont inscrits les noms des militaires ayant pris part aux opérations de la campagne 1914-1918

 

Loi du 25 octobre 1919

Livre d’or

L’Etat remettra à chaque commune un livre d’or sur lequel seront inscrits les noms des combattants morts pour la France, nés ou résidant dans la commune.

Tous les ans, le 1er ou le 2 novembre, une cérémonie sera consacrée dans chaque commune à la mémoire et à la glorification des héros morts pour la patrie. Elle sera organisée par la municipalité

 

Loi du 31 juillet 1920

  Les cimetières militaires créés ou à créer sur l’ancien front des armées

Dans son Article 105, elle stipule que : «  Les cimetières militaires créés ou à créer sur l’ancien front des armées, pour recevoir à titre perpétuel les cendres des soldats morts pour la France pendant la guerre 1914-1918, sont déclarés propriété nationale et seront gardés et entretenus aux frais de la nation. »

Article 106 : « les veuves, ascendants ou descendants des militaires ou marins morts pour la France ont droit à la restitution et au transfert aux frais de l’Etat, des corps desdits militaires ou marins. – Un décret, rendu sur la proposition du ministre de l’intérieur et du ministre des pensions, déterminera dans quelles conditions les transferts des corps seront effectués à partir du 1er décembre 1920.  

 

25 septembre 1920,

Rapport au Président de la République

Après avoir évoqué les difficultés rencontrées au lendemain des hostilités, et l’obligation de procéder à l’identification et au groupement des sépultures éparses sur tout le front, où tant de braves soldats reposent dans la terre qu’ils ont sauvée, le Ministre des pensions, André Maginot, présente les attendus de la Loi rendant aux morts, l’impérissable hommage qui leur est dû en aménageant les cimetières de guerre.

 

«  Dans ces grands cimetières du front, désormais entretenus comme ils doivent l’être, grâce aux crédits récemment votés par le Parlement, nos héros pourront reposer côte à côte, unis dans la mort comme ils l’ont été dans la bataille, retrouvant au-delà du trépas cette sublime fraternité d’armes dont la grandeur et la beauté adoucirent pour eux tant de sacrifices. Leurs familles… finiront par reconnaître sans doute qu’il ne peut y avoir de plus belle sépulture pour des soldats. Il est souhaitable à tous points de vue que ce sentiment prédomine »

 

 

 

 

 

 

 

Loi du 25 septembre 1920

Les cimetières de guerre de l’ancienne zone des armées

Article 4,

Les cimetières de guerre de l’ancienne zone des armées seront installés de façon que les militaires qui y sont ou seront inhumés reposent autant que possible, à proximité de la région dans laquelle ils sont tombés pour la patrie.

Une sépulture particulière sera attribuée à tout militaire dont le corps aura été identifié.

Article 5

L’aménagement et l’ornementation des tombes dans les cimetières de guerre de l’ancienne zone des armées seront assurés par l’Etat.

Chaque sépulture particulière comportera un monument individuel d’un modèle uniforme, dont les inscriptions rappelleront le nom, prénoms, grade et affectation militaire du défunt, le lieu et la date de son décès, ainsi que la mention « Mort pour la France ».

Le monument pourra recevoir, en outre, un emblème confessionnel, suivant les déclarations données par les familles.

Dans chaque cimetière de guerre, un emplacement est réservé pour l’édification d’un monument commémoratif.

Article 7

L’entretien des cimetières de guerre situés hors de l’ancienne zone des armées sera assuré aux frais de la nation et, en principe, confié, sur leur demande, aux municipalités ou à des associations régulièrement constituées, dans les conditions prévues par la Loi du 29 décembre 1915.

 

Loi du 28 septembre 1920

Transports des corps des militaires Morts pour la France

Article 1er

Le transfert aux frais de l’Etat des corps des militaires, morts pour la France entre le 2 août 1914 et le 24 octobre 1919 comportent les opérations suivantes : exhumation, mise en bière, hermétique, transport collectif par route et par voie ferrée du premier lieu d’inhumation jusqu’au cimetière désigné par la famille et ré inhumation dans ce cimetière.

La sépulture perpétuelle aux frais de l’Etat est réservée aux militaires inhumés dans les cimetières de guerre ou qui ont été placés au moment de leur décès dans des cimetières communaux.

Article 3e

Les veuves, ascendants ou descendants qui, renonçant pour leurs morts à la sépulture perpétuelle dans les cimetières de guerre ou communaux visés au dernier paragraphe de l’article 1er, solliciteront le transfert aux frais de l’Etat, dans le cimetière de leur choix, devront établir leur demande dans les conditions suivantes. Le maire de la commune où le corps sera transporté devra attester que le cimetière désigné par la famille est en fait, et en droit en état de recevoir le corps.

Article 4

Les familles des militaires dont les restes seraient identifiés par la suite, pourront présenter leur demande de transfert de corps dans des délais de trois mois, à partir du jour où elles auront reçu notification de l’identification.

Article 6

Il sera procédé aux exhumations sous le contrôle des représentants qualifiés du service des restitutions des corps des militaires morts pour la France, dont la création est prévue au présent décret.

 

 

 

 

Code Napoléon, Article 93

Les actes de l’état civil concernant les militaires seront établis comme il est dit aux chapitres précédents. Toutefois… dans les formations de guerre mobilisées, ils seront établis par le trésorier ou l’officier qui en assure la fonction.

 

Article 94

L’officier qui aura reçu un acte en transmettra, dès que la communication sera possible et dans le plus bref délai, une expédition au ministre de la guerre, qui en assurera la transcription sur les registres de l’état civil du dernier domicile du défunt pour les actes de décès. Si le lieu du dernier domicile est inconnu, la transcription sera faite à Paris.

 

Nos Carrés Militaires Sarthois

Tous ces décrets et ces lois représentent à la fois le devoir de la mémoire individualisée de chaque citoyen en ce référant au texte d’André Maginot qui propose que  «  les héros de la Guerre reposent côte à côte, unis dans la mort comme ils l’ont été dans la bataille…. »

C’est tout le sens de nos Carrés militaires communaux.

Les plus importants, ceux de Mamers, Solesmes, une partie du Mans, Le Grand Lucé pour les Anglais, Teloché, La Flèche ont une histoire commune avec leurs hôpitaux de l’arrière où sont soignés les malades et les blessés.

Les Carrés communaux de moindre importance correspondent souvent à des soldats dont les dépouilles ont été restituées à la famille. et où les municipalités n’ont pas voulu abandonner les familles à leurs traumatismes. Ils expriment également l’image donnée par André Maginot du repos dans la fraternité d’armes comme au front.

Dans ce contexte, les chaînes et les obus entourant ces carrés représenteraient cette tranchée où ils vécurent des heures sombres mais aussi des moments de soutiens mutuels entre camarades, qu’il faut toujours avoir en mémoire. Ils sont le rempart de leur communauté et n’ont aucun caractère guerrier ni sentiment de revanche.

 

Les tombes individuelles

Elles découlent de la Loi sur la restitution qui inclut le désengagement de l’Etat pour son entretien.

Le traumatisme subi par les familles est souvent insupportable et, avoir leur fils, leur père ou leur mari, à proximité leur permettent d’assurer leur deuil. Leurs sentiments familiaux sont énormes et interrogatifs : Pourquoi ? Pourquoi nous ? Ce deuil sera souvent atténué par la pose d’un monument important sur la tombe.

Avec le temps, le souvenir familial s’estompe, voire disparaît, les Maires et le Souvenir Français projètent ou réalisent comme à La Chartre sur le Loir et Le Grand Lucé, des tombes de regroupement, reconstituant leur fraternité d’armes ( Maginot), des Morts pour la France, dont les tombes sont abandonnées dans les cimetières.

 

Monuments aux Morts

Ce traumatisme, on le rencontre aussi sur les Monuments aux Morts où les maires reçoivent parfois un refus de la famille pour que leur Mort pour la France soit inscrit sur le Monument.

Le Préfet de la Sarthe est intervenu dans ce sens, à Luché-Pringé. Il précise à monsieur le Maire «  Monsieur le Ministre de l’Intérieur, dans une réponse écrite à une question posée, a fait connaître que le nom patronymique constitue une propriété ‘sui generis’ qui comporte pour toute personne le droit d’interdire aux tiers d’en disposer sans son consentement. Les difficultés pouvant s’élever à ce sujet sont de la compétence des tribunaux judiciaires.

Cette interdiction ajoutée à l’Article 94´concernant le dernier domicile connu sont sans doute à l’origine de beaucoup de différences dans les listes de noms des Monuments et Epitaphes confessionnelles.

 

(l’incinération) Pline l’ancien, Histoire naturelle, Livre VII, (55).

22 février 2008