Les innocents de Bullenhuser Damm
C'est peut-être l'épisode le plus atroce de l'histoire du camp de Neuengamme. Il eut lieu quelques jours avant la fin de la guerre dans la ville de Hambourg.
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Bullenhuser Damm, le nom d'une école synonyme d'un des crimes les plus abominables commis par les SS
L'école de Bullenhuser Damm abritait depuis octobre 1944 un kommando du camp de Neuengamme, affecté notamment au déblaiement des décombres provoqués par les bombardements. Le 20 avril 1945, à l'approche des troupes alliés, l'ordre fut donné, sur instruction de Berlin, de faire disparaître vingt enfants juifs ayant servi de cobayes au camp de Neuengamme. Agés de 5 à 12 ans, ces dix garçons et dix filles avaient d'abord été transférés d'Auschwitz à  Neuengamme, où le médecin SS, Kurt Heissmeyer, avait tenté sur eux dans un baraquement spécial des expériences médicales relatives au traitement de la tuberculose. Ne pouvaient y pénétrer qu'un infirmier allemand et deux déportés français, le professeur Gabriel Florence et le docteur René Quenouille, contraints, sous peine de mort, d'apporter leur concours. Heissmeyer inocula le bacille de la tuberculose aux enfants cobayes. A la mi-janvier 1945, il fit procéder à l'ablation de leurs glandes lymphatiques et fit photographier les cicatrices.
Pendant la nuit, les enfants furent transportés dans un camion du service postal à  Bullenhuser Damm où le kommando avait été évacué le 11 avril, avec les médecins français, deux infirmiers hollandais et quatorze prisonniers de guerre russes. Pour convaincre les enfants encore tout ensommeillés on leur raconta qu’on allait les conduire chez leurs parents. Trois SS, Wilhelm Dreimann, Heinrich Wieagen et Adolf Speck montèrent dans le camion. Le médecin du camp Alfred Trzebinski s’assit à côté du conducteur, Hans Friedrich Petersen. Après un bref trajet, le camion arriva à l’extérieur du camp où les attendait Arnold Strippel, Obersturmführer des SS.
Les lycéens découvrent ce qui s'est passé ici dans la nuit du 20 au 21 avril 1945
Dans le sous-sol de l'école on étrangla d’abord les deux médecins, les infirmiers et six prisonniers russes. Les enfants se soumirent docilement à une injection de morphine en croyant que c'était encore un traitement comme ceux qu'ils subissaient au camp de Neuengamme. Lorsque la drogue eut fait son effet, ils furent pendus par le cou, « comme des tableaux sur les murs », à des crochets mis en place
dans les sous-sols. Le massacre se termina à l'aube avec l'assassinat de huit autres prisonniers russes. Les corps des enfants furent incinérés à Neuengamme. Kurt Heissmeyer ne fut arrêté qu'en 1964 et jugé en 1966, il fut condamné à la détention à perpétuité et mourut d'un infarctus en 1967.
Arnold Strippel, condamné à perpétuité pour d'autres faits, fut gracié après réouverture de son procès en 1969. Les autres furent jugés au procès de Curio Haus, à Hambourg, condamnés à la peine de mort et exécutés le 8 octobre 1946.
Une roseraie, derrière l'école, est dédiée à ces 20 jeunes martyrs.