L'AERIS AUX CEREMONIES COMMEMORATIVES

L'AERIS participe pendant tout le mois de mai à de nombreuses cérémonies commémoratives initiées par la Ville du Mans.

 Mercredi 3 mai à l'école Pierre Philippeaux, dans le quartier de Pontlieue, les enfants ont observé une minute de silence à la mémoire des anciens élèves victimes des guerres et ont déposé une gerbe devant les plaques commémoratives. Avides de questions sur la Déportation et la guerre, les 248 jeunes élèves ont écouté attentivement les paroles de Jean-Jacques Caffieri, président de l'AERIS, de l'historien Pierre Chesnier ou encore du maire-adjoint Yves Calipe. "N'acceptez jamais d'être insultés parce que vous êtes d'une certaine couleur ou parce que vous avez telle ou telle religion" leur a notamment dit celui-ci. Les enfants ont lu des textes appris en classe et interprêté le chant l'Hymne à la Joie

Rue des Victimes du Nazisme, le lendemain, jeudi 4 mai, aux côtés des maires adjoints Claude Jean et Lydia Hamonou-Boiroux, plusieurs membres de l'AERIS ont participé au fleurissement de la plaque de cette rue qui prit le nom de rue des Victimes du Nazisme en 1949, la municipalité d'alors débaptisant l'ancienne rue des Fontaines où se trouvait, au n° 92 - l'immeuble existe toujours - le siège de la Gestapo. Ici nombre de résistants furent torturés avant d'être emprisonnés puis déportés dans les camps

Ce fut le cas par exemple de Maurice Lochu, un ouvrier mécanicien agricole de La Suze dont la fille, Monique Henri, était présente à la cérémonie. Elle se souvient parfaitement de cette année de ses 16 ans, où son père avait arrêté par la Gestapo, en pleine nuit, chez eux, à La Suze, le 21 mai 1944, comme elle l'a raconté dans le livre de Joseph Estevès, "Les Sarthois dans l'Enfer de la Déportation".  Conduit plus tard à la prison "des Archives" puis transféré à Compiègne pour être enfin déporté par le "train de la mort" à Dachau le 2 juillet en même temps que d'autres Sarthois, Maurice Lochu sera transféré à Neckargerach puis au bagne de Vaihingen à proximité de Stuttgart où il mourra le 5 avril 1945

Il y a quelques années, plusieurs habitants de la rue des Victimes du Nazisme, certains arguant que l'endroit où ils habitaient continuait d'être associé au nazisme, avaient demandé à ce que cette rue soit débaptisée, ce qui avait engendré une vive polémique. "La municipalité tient à conserver ce nom" a rappelé Claude Jean, ajoutant que cette cérémonie prenait aujourd'hui plus que jamais tout son sens.

Le square Paul Bidault est un lieu très récent de la ville du Mans puisque la plaque a été inaugurée seulement voici deux ans. La municipalité a souhaité garder le souvenir de l'abbé Paul Bidault, né en 1904 et décédé en 1996. Situé à l'angle des rues de la Rivière et des Pompes, près des anciennes cliniques Saint-Côme-Saint-Damien-Les Sources, le square Paul Bidault avait été choisi en raison de la proximité de l'ancien domicile de l'abbé, 72 rue de la Rivière.

Ancien combattant de 1939-1940, Paul Bidault était entré en résistance dans le réseau Alliance qui avait été décapité au Mans.  Il avait beaucoup oeuvré pour les prisonniers de guerre auxquels il s'employait à faire passer des colis. Surnommé le "curé rouge" en raison de ses sermons au caractère plus républicain que religieux, il fut prêtre à La Ferté, Boessé-le Sec, Courcemont, et professeur au séminaire de La Flèche. Paul Bidault était aussi un grand collectionneur d'étains.

Le 6 mai, une élève de 1ère du lycée Malraux, Elisa Avinenc, de retour du voyage à Mauthausen en Autriche, a bien voulu fleurir la plaque dédiée à Charles Larrouil aux côtés de la conseillère municipale Fengyou Rambure et de Jean-Jacques Caffieri. La cérémonie s'est déroulée avenue du Général de Gaulle où la plaque, jadis cachée par un panneau de station de taxis, est aujourd'hui bien visible

Charles Larrouil, qui a par ailleurs donné son nom à une rue du Mans, entra en juillet 1942 dans le réseau de renseignements Centurie, un des premiers réseaux du BCRA. Arrêté au Mans le 21 février 1944, il fut déporté le 6 avril à Mauthausen puis transféré à Helmbrechts. Il est considéré comme disparu depuis le 2 mai 1945. Son nom figure sur une plaque du mémorial français de Mauthausen, à côté de ceux d'Adolphe Busson, André Gabelle et Alexandre Oyon

Le 12 mai, à l'angle des rues Claude Hilleret et de la Mariette, l'AERIS et la municipalité représentée par Françoise Dubois ont honoré la mémoire de l'ancien élève du lycée Montesquieu et résistant, tué en 1944  au maquis de la Charnie. Fils de l'inspecteur d'Académie René Hilleret, Claude Hilleret avait 19 ans lorsqu'il entra dans la Résistance, dans les Groupes mobiles franco anglais (GMFA) dirigés par les Britanniques pendant l'été 1944. Au printemps, Claude Hilleret se trouvait au maquis de la Charnie, aux confins de la Sarthe et de la Mayenne, où il participait à la récupération d'armes parachutées par la RAF. Mais le 20 juin, suite à une dénonciation, le maquis fut attaqué par les Allemands conduits par des miliciens. C'est en protégeant la retraite de ses camarades que le lieutenant Hilleret trouva la mort, en même temps qu'un officier britannique, le lieutenant Francisque-Eugène Bec. Une stèle fut érigée à l'endroit où les deux hommes tombèrent

Le même jour, rue des Résistants Internés, à proximité immédiate de l'ancienne "prison des Archives", derrière le quartier Paixhans, Jean-Jacques Caffieri n'a pas manqué de rappeler son amertume devant  le peu de considération des collectivités locales pour cet ancien lieu, propriété aujourd'hui du Département. En fleurissant la plaque en présence notamment de Daniel Etoc, fils du déporté mort à Neuengamme, le président de l'AERIS a souhaité qu'un épitaphe plus important qu'une simple plaque puisse figurer sur les murs du bâtiment qui vit partir tant de Sarthois pour les bagnes nazis.

Ce matin du samedi 13 mai, place Gambetta, quelques habitants du quartier se sont approchés du petit groupe de porte drapeaux s'apprêtant à fleurir la plaque vissée sur le mur du 92bis, gravée aux noms de Juliette et Victor Brault. Des participants à la cérémonie, Jean-Jacques Auduc était le plus ému. En 1943, âgé d'à peine 12 ans, Il venait récupérer précisément ici des messages cachés dans un vieux radiateur, qu'il portait ensuite, à vélo, chez sa grand-mère à Foulletourte.

Jean-Jacques Auduc était alors le plus jeune du réseau de Résistance Hercule-Sacristain-Buckmaster. Aujourd'hui il en est le dernier survivant. A cette époque, l'hôtel de la Calandre, 94 rue Gambetta, était une plaque tournante majeure de la Résistance en Sarthe. Il était tenu par Juliette et Victor Brault, et une partie de l'établissement avait été réquisitionné par l'Occupant. Le couple de patriotes savait parfaitement ce qu'il risquait si les Allemands découvraient son activité cachée.

"Mon boulot" a souvent raconté Jean-Jacques Auduc aux jeunes générations, "c'était de porter des messages chez ma grand-mère, où était caché un poste-émetteur. Je faisais régulièrement le trajet entre Le Mans et Foulletourte, et comme j'étais un gamin, personne ne se méfiait de moi". Mais le 2 novembre 1943, sa vie a basculé. Parvenu à quelques dizaines de mètres de la maison de Foulletourte, Jean-Jacques a été alerté par une voisine, lui enjoignant l'ordre de ne pas aller plus loin. Ses parents venaient d'être arrêtés. Le réseau anéanti.

Au Mans, Victor Brault devait être arrêté le lendemain. Déporté en janvier 1944 à Buchenwald, puis transféré à Dora puis Ellrich, il est décédé le 20 janvier 1945. Quant à Juliette Brault, arrêtée à son tour en décembre 1943, elle devait mourir à Ravensbruck le 1er avril 1945.

Dans le récent quartier Robin-des-Bois, à proximité de l'Université du Maine, une rue porte aujourd'hui le nom de Marcelle et Bernard Devilliers. La plaque est chaque année le théâtre d'une cérémonie commémorative, rappelant le rôle joué dans la Résistance par le couple de Sarthois.

Samedi 13 mai, Claude Devilliers, le fils aîné (à droite sur la photo) a fait le déplacement depuis la région parisienne où il demeure. " J'ai pris conscience du rôle que mes parents avaient eu dans la Résistance qu'au moment de mes études, quand ils ont eu l'opportunité d'aller témoigner devant les jeunes, pas avant " nous a-t-il confié. " Auparavant, ils n'en parlaient jamais". Claude Devilliers était âgé de 6 mois au moment de l'arrestation de ses parents.

De ces témoignages devant les collégiens, Joseph Esteves, alors professeur d'Histoire à Sainte-Jamme, en a souvent été l'instigateur. Samedi il a d'ailleurs rappelé "le rôle considérable qu'ils ont joué dans la transmission de la mémoire".

Ancien du 106e RA du Mans au début de la guerre, rentré au Mans en mars 1942, Bernard Devilliers fit la connaissance à l'usine Bollée où il était ouvrier ajusteur, d'une jeune militante antifasciste, Marcelle Ceresa. Ensemble ils composaient et diffusaient des tracts antinazis. En 1943, Bernard entra dans les FTPF, les francs tireurs et partisans, l'organisation militaire du parti communiste clandestin. Puis devint responsable régional au 2e Bureau de l'Armée secrète. Quant à Marcelle, elle prit le nom de "Gaby" comme agent de liaison et reçut le grade de sous-lieutenant dans les FTPF.

Mais le couple, dénoncé, fut arrêté par la police française, le 21 janvier 1944 chez lui, 58 rue Victor Hugo, au Mans, et livré aux Allemands.  Bernard fut déporté au camp du Struthof en Alsace au mois de juin, puis à Dachau. Marcelle fut emmenée à Ravensbruck en mai 1944, où elle rencontra les deux institutrices sarthoises Suzanne Busson et Berthe Polpré. Elle fut ensuite transférée à Zwodau, un camp dépendant de Flossenburg

Tous deux rentrèrent au Mans en 1945, dans l'état que l'on peut deviner. Ils se marièrent en 1947. Bernard décéda en 2003, Marcelle en 2007.

Au 158 de l'avenue Jean-Jaurès, existe un bar tabac, "Le Celtic". Le commerce n'avait pas le même nom en 1944 mais c'était déjà un bureau de tabac, tenu par Louis Jardin. C'est pour honorer sa mémoire, ainsi que celle de son fils, René, que des enfants de l'école Philippeaux ont déposé une gerbe lundi 15 mai devant la plaque rappelant le sacrifice de ces deux Sarthois.

L'établissement de Louis Jardin servait de boîte aux lettres au groupe ORA, l'Organisation de résistance de l'Armée, et était un lieu de rendez-vous de résistants, comme Marceau Sablé. A partir du printemps 1944, la Gestapo opéra une multitude d'arrestations au sein du réseau, dont celle de Jean-Yves Chapalain, qui sera maire du Mans après la guerre. Le 17 mai Louis et René Jardin, qui n'a pas encore 18 ans, tombèrent à leur tour entre les mains de la police, puis furent déportés à Dachau, avant d'être conduits à Neckargerach pour creuser des usines souterraines. Le 18 décembre, Louis mourut d'épuisement. Son fils, transféré au kommando de Neckarelz, fut grièvement blessé lors d'un bombardement allié le 30 janvier 1945, puis mourut à son tour le lendemain, à l'âge de 18 ans et sept mois...

Dans le petit groupe de porte drapeaux qui assistait ce lundi 15 mai à la cérémonie, l'un d'eux a eu une pensée particulière pour les deux Manceaux. Bernard Vaupré, 89 ans, de Saint-Ouen-en-Belin, est le dernier survivant du groupe sarthois de l'ORA. En 1944, il avait 16 ans et demi, il participait à des transports et des camouflages d'armes. Il n'a jamais été arrêté.

Quand les hommes vivront d'amour...

"Elle était ma maman, elle était mon capitaine"... Qui d'autre que le propre fils de Renée Auduc, Jean-Jacques, peut aujoud'hui avec l'émotion qu'on lui connaît, rendre hommage à cette femme de caractère, arrêtée, déportée, et revenue quand tant d'autres ont succombé.

C'est comme chaque année au foyer Renée Auduc, dans la rue du même nom, que Bernard Breux au nom de la municipalité, et Jean-Jacques Caffieri, ont rappelé le sacrifice de la famille Auduc sous l'Occupation, lors d'une cérémonie à laquelle ont assisté de nombreux enfants de l'école Marceau. Un établissement scolaire qui a souvent invité Jean-Jacques Auduc à venir raconter son passé de tout jeune résistant et qui traditionnellement s'associe à cette manifestation en chansons. Celle interprétée cette année par les enfants s'intitulait "Quand les hommes vivront d'amour", une chanson québecquoise composée par Raymond Levesque en 1956