Marthe Cohn intarissable devant les collégiens

Ils ont ecouté la "jeune fille" de 97 ans pendant près de deux heures à Coulaines où elle est venue donner une conférence

 


Marthe Cohn (photo Philippe LAVERGNE)

(Coulaines, 9 octobre 2017) Marthe Cohn, quand elle commence à parler, personne ne peut l'arrêter. A part son mari, le Major Lloyd Cohn, le médecin américain dont elle partage la vie depuis soixante ans. " Lui, c'est mon souffleur, il me remet dans le train quand je cherche un mot"

Pendant près de deux heures, cette grande dame, qui ne mesure pourtant qu'1,50m, a suscité l'admiration des collégiens de "La Madeleine" au Mans, et de "Jean-Cocteau" à Coulaines. C'était la première conférence qu'elle donnait dans sa langue maternelle depuis plusieurs mois. Marthe Cohn vit  aux Etats-Unis depuis 1956, et son histoire elle l'a racontée Outre Atlantique des centaines de fois, aux adultes, mais surtout aux jeunes. "Vous, vous êtes les messagers". A côté d'elle, bien en évidence dans leur coffret, des médailles témoignent de son engagement pendant le conflit mondial.  Croix de Guerre, Médaille militaire, médaille d'Indochine où après la guerre elle a exercé son métier d'infirmière. Et aussi une décoration pas banale pour une Française, la Croix de l'Ordre du Mérite remise par l'Allemagne pour avoir aidé le pays à redevenir une démocratie

A 97 ans, la mémoire est intacte. Pas une erreur de date ni de lieu. Et n'allez pas essayer de lui faire croire que l'Alsace et la Lorraine, c'est quasiment la même chose, puisque c'est dans l'Est. Elle, Marthe Hoffnung, née en 1920 à Metz, est  Lorraine avant tout. Entrée rapidement en résistance contre l'Occupant, elle a aidé des centaines de personnes, souvent des Juifs, à passer en zone libre, quand elle était réfugiée à Poitiers avec le reste de sa famille.

C'est de sa soeur Stéphanie dont Marthe parle d'abord avant de parler d'elle. Une soeur qu'elle admirait, arrêtée par la Gestapo, puis déportée en Allemagne. Sa disparition lui a laissé un vide terrible. "Elle aurait pu s'évader du camp près de Poitiers où elle avait été transférée après son arrestation, mais elle a refusé, elle disait qu'elle était plus utile dans le camp pour soigner les enfants, et aussi parce que si elle était partie, c'est toute la famille qui aurait été arrêtée".  Bien des années plus tard, Marthe apprendra que sa soeur a disparue à Auschwitz.

"Et vous, demande un collégien, vous aviez peur des Allemands en tant que Juive? ". "Juif ou non, on avait tous peur, dit Marthe, on ne savait jamais ce qui allait nous arriver" . Et elle entend bien corriger "une erreur qu'on entend souvent" . "Les films racontent que les Français n'ont pas fait grand chose pour les Juifs. Moi je peux dire qu'on nous a toujours aidés, d'ailleurs 75% de Juifs ont survécu en France, c'est l'un des rares pays d'Europe où l'on a aidé les Juifs"

Marthe évoque enfin les derniers mois de la guerre, où engagée dans l'Armée française après la libération de Paris, au sein du 151e Régiment d'infanterie, elle est recrutée par les services secrets de l'Armée pour aller espionner les mouvements de troupes allemandes, d'abord en Alsace puis en Allemagne, à partir de la Suisse. " J'étais affublée d'un uniforme américain trop grand pour moi, j'avais l'air d'un clown, mais il était chaud, et je me demandais bien dans quelle galère je m'étais fourrée"

Après avoir interrogé des officiers allemands prisonniers de guerre pour tenter de connaître les plans de retraite de l'armée allemande, Marthe, en pénétrant en territoire ennemi, découvrira que les Allemands avaient déserté la ligne Siegfried, et plus tard les endroits précis où les unités étaient en embuscade, en Forêt Noire. C'est ce qu'elle a raconté dans son livre, "Derrières les lignes ennemies" paru en 2002

Marthe Cohn s'est livrée à quelques dédicaces de son livre après la conférence (photo Philippe LAVERGNE)