Gusen, le camp sauvé de l'oubli

A quelques kilomètres à l'ouest de Mauthausen, le site des anciens camps annexes de Gusen se résume aujourd'hui à un mémorial. Sans l'action d'amicales internationales de déportés, et notamment d'anciens détenus italiens qui rachetèrent le terrain sur lequel se trouvaient les vestiges des crématoires,  il n'y aurait aujourd'hui plus aucune trace du bagne nazi dans lequel furent internées plus de 71 000 personnes d'au moins vingt-sept nationalités différentes. Plus de 35 000 y périrent.

Dès la fin du conflit mondial, les propriétaires qui avaient été expulsés par le régime nazi pour les besoins de l'aménagement du camp s'empressèrent en effet de récupérer leurs biens, et les traces du bagne commencèrent à disparaître. Les maisons poussèrent alors comme des champignons sur les ruines de Gusen, dans l'indifférence générale. Le grand portail d'entrée du camp sert aujourd'hui de façade à une belle maison où le propriétaire a construit une piscine, et tenté d'aménager l'endroit pour mieux le faire oublier. On dit qu'il n'est pas plus gêné que ça quand les cars de touristes viennent stationner devant chez lui. Et il y a mieux encore. Dans l'auberge de l'autre côté de la route face au mémorial, on mange dans des assiettes marquées "Waffen SS"...

Le premier camp de Gusen fut construit à partir de décembre 1939 par des détenus opposants allemands et autrichiens et des prêtres, en raison, comme pour Mauthausen, de la proximité des carrières de granit. A partir de mars 1940, arrivèrent des détenus polonais, puis des prisonniers soviétiques, des Républicains espagnols, et des Français. La population du camp atteignit rapidement 4000 hommes et il y eut 1500 morts rien qu'au cours de l'année, tellement les conditions de travail dans les carrières étaient épouvantables. Un four crématoire fut mis en service début 1941.

Les atrocités commises à Gusen furent à la hauteur de celles mises en pratique dans le camp principal. Les malades et les inaptes au travail étaient par exemple sélectionnés pendant les appels et conduits aux "bains" où ils étaient placés sous des douches, par lesquelles on envoyait de l'eau glaciale à hautre pression. La température du corps baissait lentement jusqu'à ce que le détenu meure

Les camps de Gusen II (St Georgen)  et de Gusen III (Lungitz) furent construits en 1944 pour l'opération baptisée Bergkristall, un réseau de galeries souterraines à l'épreuve des bombardements aériens, pour la fabrication secrète des fuselages et des ailes des nouveaux avions de chasse à réaction, les Messerschmitt 262, censés donner la victoire finale à l'Allemagne. Les conditions de vie dans ces camps étaient particulièrement atroces, Gusen II était surnommé par les prisonniers "l'enfer des enfers"

Les camps de Gusen furent libérés en même temps que celui de Mauthausen, avant le dynamitage des tunnels préparé par les nazis, tunnels dans lesquels il avait été prévu d'enfermer les détenus.