Hartheim, la vérité cachée pendant 50 ans

L'extermination à grande échelle des handicapés physiques et mentaux par le régime nazi fut longtemps ignorée du public. Le château d'Hartheim servit de centre de mise à mort


La masse imposante du château de style Renaissance flanquée de tours octogonales et d'une sorte de donjon latéral se voit de loin. Passé la porte d'entrée principale, on découvre une grande cour à arcades surmontée de trois étages à balustrades

Hartheim fut donné en 1898 par le prince Starhemberg à une association caritative de la province de la Haute Autriche dirigée par les Soeurs de Saint-Vincent de Paul. Il devint asile pour enfants handicapés physiques et mentaux. En 1938, le parti nazi expropria les Soeurs et récupéra le château, qui fut équipé au rez-de-chaussée d'une chambre à gaz camouflée en salle de douches et d'un four crématoire. Il prit le nom de "Fondation d'intérêt général pour les soins hospitaliers à Hartheim" et employait environ 70 personnes. Des bureaux et des logements pour le personnel étaient aménagés dans les étages supérieurs. En revanche aucun logement n'était prévu pour les malades. C'est donc qu'ils étaient exterminés immédiatement à leur arrivée.

Une des pièces du rez-de-chausée du château d'Hartheim où les malades étaient enregistrés avant d'être gazés puis brûlés

Les premiers arrivèrent dans les premiers jours de mai 1940. Ils étaient retirés des hôpitaux psychiatriques autrichiens et allemands et transportés par trains ou par véhicules. Les convois de 40 à 150 personnes arrivaient à n'importe quelle heure. On dirigeait d'abord les futures victimes en salle de déshabillage puis en salle "d'admission" où elles étaient "examinées" par un médecin SS et des assistants. En fait le personnel ne faisait qu'examiner les dossiers des malades, dont on tamponnait un numéro sur la poitrine. Ceux qui avaient des dents en or se voyaient marqués d'une croix dans le dos. On les faisait passer ensuite dans une autre pièce où ils étaient photographiés, avant qu'ils ne repassent dans la salle d'admission. Dernière étape avant la chambre à gaz où on les faisait entrer par une porte métallique.

La chambre à gaz comportait au début un plancher et des bancs en bois. Plus tard, le sol fut cimenté et enfin carrelé ainsi que les murs. On pouvait croire ainsi à une véritable salle de bains. Trois pommes de douche étaient installées au plafond et l'aération se faisait par ventilateurs. L'installation du gaz mortel se trouvait dans une pièce attenante, dans des bouteilles métalliques. Le gaz passait dans la chambre à gaz par un tuyau. Une fois les victimes gazées, les locaux étaient ventilés et les corps entreposés dans la morgue, juste à côté. Ils étaient enfin incinérés dans le crématoire, après que les dents en or aient été prélevées sur les cadavres. Les restes des os étaient broyés et la poudre était recueillie pour être envoyé à la famille

17 974 handicapés ont ainsi été assassinés à Hartheim. Tous sont identifiés et les noms figurent sur les murs de l'ancienne chambre à gaz qui fait partie aujourd'hui du musée aménagé dans le château. Au cours de l'année 1944, plusieurs milliers de détenus venant des camps de concentration, gravement malades ou inaptes au travail ont péri ici de la même façon. Les cendres étaient au début jetées dans le Danube, ensuite elles furent enterrées

Les mises à mort à Hartheim, bien qu'opérées dans le plus grand secret - le personnel était régulièrement menacé de mort s'il parlait - finirent par être connues, étant donné le nombre des avis de décès officiels dans les presses locales, rédigés de manière fantaisiste. Les familles n'étaient averties qu'une fois le malade incinéré.

En décembre 1944, les installations de mise à mort furent détruites par des déportés, qui furent ensuite éliminés. Ce n'est que dans les années 1990 avec l'ouverture des archives soviétiques qu'on découvrit la véritable histoire d'Hartheim.

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